Beaucoup de gens dans cette sacrée ville se demande qui est vraiment le shériff. Quel genre d'homme se cache derrière cette étoile et ce colt, ce combat acharné pour une justice infaillible et qui ne rate jamais sa cible.
Et bien tu vois fiston, je vais te la raconter moi cette histoire. Cette histoire c'est avant tout un mythe, une légende. Laisse moi te raconter la légende de Jessie "Johns"...
Tout à commencer dans une autre époque, l'époque où les frères étaient encore des frères, une époque où notre pays avait encore un lourd héritage en fardeau. Une époque où le shérif portait encore le nom de Jessie Calahan.
C'est en 1833, dans une petite ferme des environs de Kearney, Nebraska que nait Jessie, fils de Charles et Héléna Calahan, un couple de pour qui la vie n'est pas toujours facile. Charles est un pasteur et un fermier aidé de sa femme et ces enfants. Famille nombreuse, beaucoup d'enfants mourront cependant avant leur dix ans. De tout cela, il ne faut retenir que deux personnes en dehors de Jessie, son frère Franck de quatre ans son aînée et sa jeune sœur Thelma de deux ans plus jeune que lui. Ce sont là les seuls qui auront la joie de connaitre leur dix-huitième anniversaire. Jessie et son frère Franck ont eut une relation très fusionnelle, Jessie admirait son aîné et en faisait son héros et il veillait comme un forcené sur sa petite sœur. Un petit gars bien, que la vie n'a pas loupée.
Les ennuis ne vont vraiment commencer que lorsqu'en 1848, Charles Calahan, le brave pasteur décide de renoncer à son ministère et sa ferme pour partir pour la Californie dans le but de faire fortune avec la Ruée vers l'Or. Prix de la fièvre du métal jaune, c'est sur la route de la Californie qu'il succombera d'une mauvaise fièvre, laissant derrière lui et sans ressources une femme et ces enfants. La vie à la ferme est de plus en plus difficile et seul Franck et Jessie sont alors capable de vraiment aider leur mère mais cela ne suffit pas et la famille doit vendre la ferme en 1850 sous la pression des banques et des commerçants. La famille doit alors vivre un temps dans les bois ou chez d'autres fermiers en travaillant pour subsister, lui fait les champs avec Franck, sa mère fait de la couture jusqu'au jour où un petit coup de pouce va leur permettre de souffler.
Le 16 mai 1853, Hélène James rencontre le docteur Samuel Johns pour qui elle fait le ménage et la cuisine. Très vite nait chez eux une relation amoureuse qui débouche en une union consacrée par l'église le 19 juin. Jessie Calahan devient Jessie Johns et part s'installer pour une petite maison calme des environs de Lexington. Le Docteur laisse Franck et Jessie en paix, ne s'intéresse que très peu aux deux jeunes garçons pour se concentrer sur l'idée d'avoir un nouvel enfant avec Hélène et qu'il pourra envoyer à loisir étudier la médecine et reprendre son rôle dans la bonne société. Laissés libre, les deux jeunes garçons profitent un peu de la vie, font quelques bêtises et travaillent toujours autant pour leur argent de poche. Bref, tout pourrait s'améliorer mais l'histoire en décidera autrement.
L'histoire de l'Amérique est une histoire jeune et sanglante, la fraternité entre les hommes ne s'est faite qu'à grand renfort de plomb et cette époque pas plus qu'une autre n'aura échappée à cette règle que quand tu met des types pas d'accord dans le même pays, ils finissent par se foutre sur la gueule.
Lorsqu'éclate la Guerre de Sécession opposant Nord et Sud, Franck Jones, le frère de Jessie quitte le foyer familial pour rejoindre la Milice de Caroline comme volontaire dans la cavalerie. Jessie préfère alors rester avec leur mère et leur sœur et pour s'occuper un peu de la maison et tenter d'esquiver la conscription. Était-ce vraiment la bonne décision ?
Qui sais ? Mais une chose est sûre c'est que quelques mois après le départ de Franck, une bande de Nordistes en déroute après les premières défaites de l’armée Fédérale passa par les environs de Lexington alors que les Johns se trouvaient dans leur petite maison dans les hauteurs. Déçu par le fait de s'être pris une taule, passablement énervé et frustré, la bande de Nordistes appris par hasard que le Dr Samuel Johns était un sympathisant sudiste. Quelques hommes ayant trop bu prirent alors une corde et leurs fusils et menés par leur sergent prirent la direction de John's House.
La nuit était brumeuse, la lune voilée par les nuages sombres. Jessie s'en souviendra toute sa vie. Ce soir-là, il dormait dans le grenier comme souvent lorsqu'il était à Lexington pour voir sa mère, la plupart du temps il travaillait comme cow-boys ou encore manouvrier sur les chemins de fer du haut de ces 27 ans et aucune envie de se poser où que ce soit. Il ne les a d'abord pas entendu traverser la petite palissade de la propriété, commencer à planter des torchères devant le fronton. Ce n'est que lorsque les premiers d'entre eux enfonceront la porte dans un bruit sec qu'il s'éveillera en sursaut. Mais quoi faire face à dix hommes en armes et complétement saoul ?
Le temps de s'habiller, de trouver son denim, ces bottes et son stetson, les types ont déjà envahi en beuglant le rez-de-chaussée et le temps de dire Abraham Lincoln, le docteur était sortie de sa chambre ainsi que la mère de Jessie à grand renfort de coup de bottes et de crosse. Quelque part heureusement que sa sœur était mariée depuis trois ans à un négociant de la région. Jessie n'aurait jamais supporté qu'il lui arrive la même chose.
C'est alors qu'il descendait les escaliers qu'il vit les soldats emmener son père adoptif dehors, le vieux Samuel, incapable de se défendre avait eut la mâchoire déboité par un coup de crosse et roué de coups, il était à moitié sonné. Les hommes l'ont pendus dans le parc dans une parodie de procès. Pendu parcequ'il avait osé emmètre une opinion. Où étais la justice là-dedans ?
Lorsque Jessie est sorti de la maison en hurlant, il étais quasiment trop tard et son dernier cri fut cueilli par le premier coup de poing. Au son des insultes des soldats alcooliques, il prit coup de poing sur coups de bottes, coups de crosses sur bourrades, se recroquevillant sur lui-même, le fracas du tonnerre des fusils tirant sur la maison pour en détruire les vitres, briser le mobilier sous les impacts, la vaisselle, percer les baquets, un déchaînement de feu et de plomb sous les godillots lourds des nordistes agrémenté de rires sonores et d'imprécations. Jessie finit par sombrer dans l'inconscience, il ne sentait plus rien. Il était mort. Ou plutôt, c'est ce qu'il aurait voulu...
Lorsque Jessie se réveilla, c'est lorsqu'il sentit les gouttes de pluie sur son visage au petit matin. Il avait dût rester inconscient trois bonnes heures jusqu'au lever du soleil. Son premier réflexe fut de se diriger vers sa mère qui avait elle aussi été pendue se rendit-il compte. A ce moment, une rage horrible autant qu'un grand sentiment d'impuissance le foudroya. Où étais la justice là-dedans ? Ils étaient beau les idéaux du Nord. Pleurant, au bord de l'évanouissement tellement chaque gestes le faisait souffrir, se sentant vomir à chaque pas, il décrocha les corps du Docteur et de sa mère lorsque vinrent les premiers voisins, curieux et angoissé ayant préféré attendre le départ du régiment de soldats dans le petit matin pour venir se rendre compte. Les gens diront plus tard que Jessie leur avait fait peur. Pâle comme un linge, ils le prirent pour un fantôme et c'est finalement épuisé qu'il s'écroula pour un nouveau sommeil qui dura deux jours entiers. A son réveil, sa sœur le veillait et s'était occupée des obsèques, il n'eut alors plus qu'à porter les cercueils en terre lors de la cérémonie qui attira tous les notables de la ville, écœuré par les agissements des soldats. Mais les soutiens, Jessie n'en avait rien à foutre. A présent il partait en croisade.
La cérémonie terminé, il fit ces adieux à sa soeur et lui apprit qu'il partait rejoindre Franck quelque part dans l'Est pour aller casser du Nordiste avec lui, qu'il lui écrirait (ce qu'il fait encore à l'heure actuelle) et qu'un jour peut-être, avec l'aide du Seigneur, ils seraient de nouveaux réunis. Après un mois de recherche, il retrouva la trace de son frère dans l'armée sudiste et décida de s'engager d'abord dans l'infanterie puis, profitant d'une occasion, rejoignit une troupe de cavalerie sudiste un peu spécial, les Quantrill's Raiders et par là même son frère devenu l'un des bras droit du terrible Quantrill. Nous étions alors en 1862 et Jessie allait sous peu participer aux conflits le plus meurtrier de son époque. Il participa aux côtés des cavaliers de Quantrill et de Franck à la Bataille des Sept Jours puis plus tard à celle d'Antietam qui furent de véritables carnages mais avant tout des victoires sudistes écrasantes sur les nordistes. Une période de fête où les deux frères vengent dans le sang la mort d'une mère aimante et d'un beau-père tolérant n'hésitant pas à outrepasser les ordres et pousser les charges plus loin dans les rangs des Fédéraux pour le simple plaisir de voir gicler le sang en vengeresses arabesques et les corps éclater sous les sabots des chevaux.
Jessie et Franck n'étaient alors plus que des chiens de guerre de la pire espèce. Et cette guerre ne faisait que commencer. S'ensuivit les cinq jours de massacre de la Bataille de Chancellorsville où les Quantrill's Raiders ne cessèrent d'aiguillonner l'infanterie nordiste puis leur artillerie, toujours cette envie de faire couler toujours plus de sang frais sur les vestes bleu sombre, n'hésitant plus à se jeter parfois sur des populations civiles ou même des trains et des fourgons, pour le plaisir de tuer, laissant le pillage aux hommes de Quantrill.
Une cavalcade violente, de victoire en victoire qui s'éteignit cependant dans la violence la plus pure à Gettysburg où Franck tomba sous son cheval suite à un tir d'artillerie qui l'envoya valser à plusieurs mètres de distance. Jessie, tombant littéralement de son cheval rampa sous le barrage d'artillerie pour retrouver son frère mais ce dernier était mort avant même de toucher terre, déchiqueté par les shrapnel des obusiers nordistes. Fuyant le champ de bataille comme fou, blessé par il ne savait quelle balle, délirant, Jessie erra sur les routes des jours entiers avant de réussir à échapper aux éclaireurs nordistes et rejoindre un convoi de civils fuyant vers le Missouri où il retrouva sa sœur et son mari.
Thelma s'occupa de son frère à demi fou avec une grande tendresse, consciente d'être la dernière chose qu'il possédait en ce monde. Jessie, traumatisé par la guerre, les horreurs qu'il avait commises et la dernière image du visage de Franck à demi arraché par le tir de l'Howitzer, passait la plupart de son temps en travail, à débiter du bois, s'occuper de la petite parcelle et lorsque Thelma et son mari décidèrent de partir pour la Californie, il ne pouvait que les suivre, il faisait des cauchemars d'une grande violence et seul le laudanum lui permettait de temps à autre de trouver le repos. Il était persuadé alors que le soleil de Californie et une vie loin de l'est et des souvenirs de la guerre étaient la meilleure thérapie mais il se trompait. Au bout de 3 mois à San Francisco, il ne pouvait plus supporter la présence de tant de gens, de toutes cette activité sans compter les réseaux mafieux et la criminalité de plus en plus grouillante. Il avait besoin de calme, de retrouver les grands espaces comme autrefois dans le Nebraska.
Il prit donc congés de sa sœur et monté sur son cheval avec quelques dollars en poche, il prit la route. Travaillant tour à tour comme cow-boy, chasseur de prime, escorteur de dynamite pour le chemin de fer ou encore simple manœuvre, il progressa lentement jusqu'à ce jour où il découvrit la ville reculée de Saint-Elmo. Une ville où régnait l'anarchie depuis des années, où la haine et la violence était la règle, la loi du plus fort, une ville où les enfants n'arrivaient pas jusqu'à l'âge adulte à cause des balles perdues plutôt que des dysenteries, une ville qui n'avait jamais vue passer le moindre juge de paix ni le moindre contingent de soldats jusqu'ici, une ville oubliée par le gouvernement, une ville pour les chiens.
Alors, Jessie était un chien semblable aux autres mais quelque chose changea en lui lorsqu'il compris qu'il n'était pas venu ici par hasard. Il était venu ici car le Seigneur avait guidé ces pas.Une ville oubliée était le lieu idéal pour oublier son passé, pour refaire sa vie. Jessie avait été un voleur, un pillard, un assassin de la pire espèce. Et ici, au milieu des siens à la manière d'un parangon de vice, il compris ce que Dieu exigeait en réparation de ces crimes. Il n'avait pas compris avec la mort de Franck, ce fut celle d'un gamin de 11 ans sous les coups d'un cow-boy alcoolique qui lui ouvrit les yeux. A la stupeur général, l'inconnu qu'il était sortit alors en trombe du saloon pour attraper le rancheros au collet pourtant deux fois plus haut que lui et le battre comme plâtre avant de s'acharner, un sourire extatique sur le visage et le regard d'un fou. Ce jour-là les gens prirent peur, à commencer par ceux qui aimaient lire ce sentiment dans les yeux de leurs victimes.
Mais le pire de tout fut lorsqu'il releva la loque sanglante qui avait été Jimmy McPherson pour le conduire devant le bureau du shérif en ruines et après s'être saisi d'un lasso, le pendit à la structure du bâtiment. Et alors qu'il commença à se débattre, Jessie lui attrapa les jambes et tira d'un coup sec qui retentit dans toute la ville : il venait d'abréger les souffrances de l'homme en lui brisant la nuque. Et la ville devint soudain muette. Et les gens comprirent.
Il y avait de nouveau un shérif en ville.
Et son nom est Jessie Johns...